Pierre Trusson
DEPÔT D'UNE MARQUE POUR DE LA BIERE : ATTENTION AUX IGP, AOP ET AOC DEJA EXISTANTES
Dans un arrêt rendu le 16 mars 2021, la Cour d'appel de Paris a sanctionné un brasseur ayant déposé une marque portant atteinte à une IGP. Cet arrêt confirme la nécessité d'effectuer une recherche d'antériorité sérieuse avant de procéder au dépôt de sa marque en prenant en compte non seulement les signes distinctifs des tiers, mais également les labels d'origine.

QU’EST-CE QU’UNE IGP, UNE AOP ET UNE AOC ?
Les IGP, AOP et AOC sont des labels qui servent à garantir aux consommateurs la provenance d’un produit alimentaire ou d’une boisson.
L’IGP signifie « indication géographique protégée » et sert à protéger un produit dont les caractéristiques sont liées au lieu géographique dans lequel se déroule sa production, son élaboration ou sa transformation.
Elle repose donc sur la notion de savoir-faire et vient consacrer une production existante.
A titre d’exemple, le jambon de Bayonne ou le canard à foie gras du Sud-Ouest sont protégés par une IGP.
Elle ne doit pas être confondue avec les AOP (« appellation d’origine protégé ») mis en place par l’Union européenne et l’AOC (« appellation d’origine contrôlée ») mis en place par la France.
Les AOP / AOC ont pour objectif de garantir que le produit a été transformé et élaboré dans une zone géographique déterminée.
Parmi les AOP en France, on trouve notamment le camembert de Normandie, , la noix de Grenoble ou encore la lentille verte du Puy.
POURQUOI FAUT-IL VERIFIER LES IGP, AOP ET AOC EXISTANTES AU MOMENT DE DEPOSER SA MARQUE DE BIERE ?
Avant de déposer sa marque, il est important d'effectuer une recherche d'antériorité.
Cette recherche vise à s'assurer que la marque que vous envisagez de disposer est disponible et n'est pas déjà utilisée par un tiers. Il faut pour cela faire une recherche à l'identique (nom de la marque / produits et services visés), mais aussi et surtout faire une recherche similaire.
En l'absence d'une telle recherche, il est très fréquent que le dépôt d'une marque soit suivi d'une opposition formée par le tiers détenteur de la marque antérieure, voir d'une action en contrefaçon devant les tribunaux, ce qui entraine des frais de défense important.
Outre la vérification de l'existence de marques déposées par des tiers, la même vérification doit être effectuée pour les IGP, AOP et AOC. A défaut, le titulaire dudit label d'origine pour s'opposer à l'enregistrement de la marque et obtenir son annulation et des dommages et intérêts.
L'INPI peut également de lui même refuser l'enregistrement de la marque s'il considère qu'il est porté atteinte à une IGP, AOP ou AOC protégée.
L'ARRÊT DE LA COUR D'APPEL DE PARIS DU 16 MARS 2021, UN RAPPEL DES REGLES
Dans un arrêt très récent, la Cour d'appel de Paris a annulé la marque semi-figurative « 8.6 GOLD BAVARIA » détenue par la société SWINKELS FAMILY BREWERS qui désignait des bières néerlandaises :

La Cour a considéré que la marque portait atteinte à l'IGP dénommée « BAYERISCHES BIER », quand bien même le terme "BAVARIA" au sein de la marque litigieuse "occupait visuellement une place relativement secondaire".
La Cour a considéré que le risque de confusion entre la marque litigieuse et l'IGP ressortait du fait que le terme "BAYERISCHES" était "reproduit dans une police noire et grasse et occupe une place centrale, juste en dessous de l'étiquette argentée sur laquelle figure la mention purement descriptive '8.6 GOLD' faisant référence au degré d'alcool de la bière et à la couleur dorée de cette boisson, et il est ainsi suffisamment visible pour appeler l'attention du consommateur."
Outre l'annulation de sa marque, la société SWINKELS FAMILY BREWERS a également été condamnée à verser la somme de 20.000 euros au titulaire de l'IGP en réparation de l'atteinte à son IGP.
COMMENT CONNAITRE LES IGP / AOC / AOP EXISTANTES ?
L’Union européenne a créé une base de donnée appelée « eAmbrosia » qui fournit la liste de toutes les IGP et AOP existantes, ainsi que les informations relatives à leur protection.
L’ensemble des IGP, AOP et AOC sont également consultables sur le site de l’Institut national des appellations d’origine.
Une analyse attentive de celles-ci permet donc de se protéger contre de potentielles actions judiciaires.